mercredi 16 octobre 2013

Tirésias

Un froissement a déchiré les lambeaux de mon sommeil. Il fait bon et doux sous la couette. Le réveil me désoriente, il me faut un moment pour regagner le monde des vivants. Dans la blême lueur de ce matin d’automne mon corps me parait lourd et tendu. Je referme les yeux pour dissiper les derniers voiles de mes rêves. Un glissement se produit à mes côtés. Le chat, déjà, venu réclamer sa pitance ? Une main vient se poser sur ma cuisse. Les doigts sont légers  et ma jambe semble pesante, et terriblement poilue. Il y a une femme, plutôt jeune, dans le lit. Je ne me souviens pas d’elle, mais elle partage la même tiédeur paresseuse et son geste indique entre nous une intimité.

Je reprends lentement conscience de mon corps, je me réintègre. L’inconnue me caresse. Elle a des cheveux blonds mi-long étalés sur l’oreiller, je ne vois pas son visage. Elle progresse vers mon aine et s’empare d’une belle érection matinale. Il faut croire que nous nous connaissons assez bien. Mes tétons se durcissent à me faire mal. La diablesse enveloppe mon gland, le titille avec douceur. Je pose une main sur une hanche délicate. Il y a des rondeurs bien appétissantes par là-bas. J’approche ma bouche de la courbe de son épaule et je dépose un baiser mordillant près de son cou. Un soupir répond à l’invite, sa main s’empare de ma queue. Ah, c’est bon ! je vais à la rencontre d’une toison soigneusement élaguée. Sa cuisse s’écarte un peu pour me livrer un passage, et je pars en expédition dans de sensibles moiteurs. Elle enveloppe mon sexe de va-et-vient languissants. Je parcours avec tendresse des lèvres humides, un clitoris qui semble, lui, bien réveillé, petit bouton tout dur sous la pulpe prudente de mes doigts. J’entends un souffle plus long échapper de ma voisine. Apparemment, elle aime. Sans cesser mes cajoleries, je captive un sein, et je prends un téton dans la bouche. Elle n’a toujours pas tourné la tête, mais son souffle s’accélère, s’approfondit encore. Mon index se faufile dans son vagin, mon pouce effleure toujours son clitoris. Majeur vient rejoindre son frère et nous patinons dans la cyprine. Elle est dans de bonnes dispositions, ma compagne anonyme. Qu’à cela ne tienne, je le suis aussi. J’échappe à sa main diabolique et je plonge une langue triomphante où j’ai mis mon pouce. Elle gémit. Je goûte à la douceur de ses lèvres, texture souple, parfum animal et salé. Il me semble que mes papilles se hérissent, que ma langue devient un peu râpeuse, un peu sauvage, envahissante. Je décris des huit à l’intérieur de sa chatte, je picore son petit bouton, je le prends dans ma bouche pour l’agacer de plus près. Un tremblotement dans ses jambes m’annonce un orgasme, et la belle s’abandonne dans un halètement. J’ai plus que jamais la gaule, mon envie de pisser ravalée au rang des détails futiles. Je pose un baiser barbouillé de mouille sur son nombril, elle rit doucement. Elle a l’air heureux, maintenant que je peux voir son minois. Des yeux noirs ou marron très foncés, un visage clair, ouvert, de jolis plis au coin du regard, près de la bouche. Elle rigole plus souvent qu’elle ne fait la moue. Elle a une délicieuse fossette, une seule, en bas de la joue droite.

Elle se redresse, m’allonge, et enjambe ma tête. Elle a visiblement envie que je recommence. Je replace mes deux doigts dans son vagin, ma langue revient se poser sur son clitoris. Mon pouce vient toquer à son petit trou. D’un grognement, elle approuve. Bien, on va être très amis tous les deux. Sa bouche enserre mon gland et glisse ma queue vers sa glotte. Le velours humide de son palais et de ses joues coulisse le long de ma queue, elle musarde, me ressort, lèche lentement la longueur de mon sexe, s’attarde sur la couronne de mon gland, promène une langue espiègle sur mon bout. En même temps, elle écartèle des lèvres dégoulinantes au-dessus des miennes, elle se cambre sur mon doigt coulé dans son anus. A mesure que ma gloutonnerie gagne son petit intérieur, elle m’engloutit, me gobe, elle s’aide de la main, écarte les doigts pour m’avaler plus profond. Ah, sorcière ! c’est que tu sais donner du bonheur, toi. J’ai d’autres prétentions. Mes deux mains sur ses cuisses donnent le signal de la relève. Docile, elle pivote et vient empaler son ventre gourmand sur ma queue. Danse, enchanteuse inconnue, danse mon désir et le tien. Je sens le fourreau de tes muqueuses accueillantes s’écarter sur mon sexe planté dans ton corps, prends-moi entier, cueille-moi dans les profondeurs embrouillées de ta fiévreuse cavité. Sens comme nous nous emboîtons bien. Serre tes muscles, retiens-moi et laisse-moi glisser comme à regret pour me saisir à nouveau, m’absorber encore, encore, encore. Et tandis que je m’abîme, tu sombres dans les cieux. Combien y en a-t-il déjà ? Sept ?

L’orgasme la saisit et étrangle mon sexe. Je sens le goulet d’un spasme enserrer mon abdomen. Pas maintenant, ensorceleuse, pas maintenant. Elle glisse pantelante, dans les crispations de son acmé. Elle me libère et gît, soufflet d’une forge encore brûlante. Je caresse son visage émerveillé. En quelques souffles, elle se redresse, s’agenouille et me présente une croupe rebondie. Ah, diablesse, visiter à nouveau tes moiteurs ! Je m’enfonce à délices dans son sexe ouvert. Mon pouce vient agacer sa petite porte d’entrée. Je veux ton étroitesse et ses constrictions, je veux ton cul, démone. La tête sur le matelas, elle plaque deux mains décidées sur ses fesses, les écarte. L’invitation est claire. Je place mon gland inassouvi contre son anneau brun et je m’introduis lentement. Elle pousse un long soupir et tend un peu plus son cul résolu vers ma queue. Ah l’étreinte incomparable de ton cul ! Les affres de ton plaisir suspendu au risque de la douleur, la détresse de ton ventre envahi et offert. Je goûte ton souci jusqu’à la lie, je plaide pour nos voluptés communes à grands coups de reins. Prends et donne sur le fil de ton désarroi. Et du tréfonds de mes couilles à la transe de mes muscles bandés, je sens monter une crue furieuse. Mon ventre lutte et se soumet, je glisse et je me cramponne à tes rondeurs impatientes, et j’explose dans le sanglot de tes dernières convulsions. Aveugle, sourd, insensible, tout entier résumé à mon bout de chair gorgé de sang et de sperme, planté dans tes humeurs goulues, je me suspends à ces quelques secondes de plaisir et je perds pied, tête et raison.


Je me réveille au son languissant de la radio. A mes côtés, des cheveux blonds s’étalent sur un oreiller. Deux yeux presque noirs et un sein matinal me contemplent en souriant.

--   Tu as bien dormi ? Tu t’agitais beaucoup.

---     Un rêve. Tu sais quoi ? Tirésias a menti.

--      Drôle de réflexion au réveil, de quoi parles-tu ?

--     Tirésias, le devin, fut changé en femme pour sept ans, sa punition pour avoir séparé deux serpents qui s’accouplaient. A l’issue de son châtiment, il fut appelé à arbitrer une querelle entre Zeus et Héra. L’un prétendait que les femmes tirent plus de plaisir de l’acte charnel, l’autre que ce sont les hommes. Tirésias avait fait l’expérience des deux, on lui demanda donc son avis. Il répondit que ce sont les hommes. Il flattait Zeus, tout en donnant raison à Héra.

--    Pourquoi me racontes-tu ça, de bon matin ?

--    Parce qu’il a menti. J’en suis sûre maintenant.

2 commentaires:

  1. Un délicieux récit dont la chute (bien que légèrement "spoilée" par le titre) me fait penser à Anne Archet !

    RépondreSupprimer
  2. Merci pour la référence !

    J'ai triché, en fait. Dans le mythe, c'est à Zeus que Tirésias donne raison, validant que le plaisir féminin est supérieur à la jouissance masculine. Furieuse, Héra l'aveugle. Le don de voyance était une consolation accordée par Zeus.

    RépondreSupprimer