Les plus chanceux se
sont réfugiés au bord de l’océan, là où ils ont un pied à terre. Ils ont lâché
leurs activité du moment, pris des vacances, fermé la maison. La route est
longue, ils font le trajet de nuit, quand c’est possible, pour trouver le
rivage accueillant, la rumeur du port, les vagues apaisantes. Ceux qui ne
peuvent pas partir sont restés dans le four. La campagne se dessèche
inlassablement, les récoltes de blé sont rentrées.
La ville cuit sous un soleil impitoyable. Hommes et femmes
ont vidé les rues, le souk s’est tu, les étals attendent sous leurs rideaux de
fortune. L’agitation ordinaire du marché a cédé à la torpeur d’une sieste. Un
âne s’est collé à un mur, pour chercher l’ombre, son maitre n’a pas osé lui
laisser son fardeau, il l’a débâté et dort sur ses précieux colis. Tout est
suspendu à l’ardeur des rayons, quand il fera meilleur, quand l’air et la
poussière seront de nouveau respirables, la vie reprendra. Quelques vieux parcheminés s’éventent en
soupirant, à l’ombre d’un figuier rabougri, absorbés dans leur partie de
cartes. Ils boivent des litres de thé en racontant d’autres canicules, d’autres
sécheresses. On a tendu des draps, des tissus sur les terrasses où on guette en
vain un souffle d’air. Dans les cours, les cuisines, on s’épargne la chaleur
supplémentaire du fourneau. Après le repas, on cherche l’ombre et la brise pour
laisser passer le milieu du jour et son brûlant cortège d’heures.
Dans la maison, les hommes somnolent dans le grand salon, le
plus vaste. Les femmes sont en bas, elles devisent sur des sofas, échouées dans
leurs coussins et leurs babillages. Certaines sont assises, vautrées à même le
sol de carrelage, elles ont repoussé les tapis pour trouver un peu de fraicheur
sur la faïence. On ira au hammam demain, on emmènera les filles françaises en
visite. On les fera belles, demain, quand elles seront vraiment propres, on
leur peindra les pieds et les mains au henné.
On refait du thé à la menthe,
bouillant, sucré, on sirote encore, personne n’a touché aux douceurs posées sur
un plateau, il fait trop chaud. On attend. Le soir sera bienvenu.
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