vendredi 5 octobre 2012

Hammam (1)

Cet été, il fait une chaleur étouffante même pour ce pays. Les plus fortunés, ceux qui peuvent prendre une journée de repos sont montés vers la montagne, trouver la fraicheur. Ifrane déborde de visiteurs échappés à la canicule. Ils ont pris les routes sinueuses, abandonné la plaine aride et le chaudron poussiéreux de la ville pour monter vers l’air plus léger des montagnes. Beaucoup se posent pour la journée, par familles entières, dans le ruissellement des fontaines débordantes d’eau fraiche. C’est la région des sources, des lacs et des cèdres.


 Les plus chanceux se sont réfugiés au bord de l’océan, là où ils ont un pied à terre. Ils ont lâché leurs activité du moment, pris des vacances, fermé la maison. La route est longue, ils font le trajet de nuit, quand c’est possible, pour trouver le rivage accueillant, la rumeur du port, les vagues apaisantes. Ceux qui ne peuvent pas partir sont restés dans le four. La campagne se dessèche inlassablement, les récoltes de blé sont rentrées.
La ville cuit sous un soleil impitoyable. Hommes et femmes ont vidé les rues, le souk s’est tu, les étals attendent sous leurs rideaux de fortune. L’agitation ordinaire du marché a cédé à la torpeur d’une sieste. Un âne s’est collé à un mur, pour chercher l’ombre, son maitre n’a pas osé lui laisser son fardeau, il l’a débâté et dort sur ses précieux colis. Tout est suspendu à l’ardeur des rayons, quand il fera meilleur, quand l’air et la poussière seront de nouveau respirables, la vie reprendra.  Quelques vieux parcheminés s’éventent en soupirant, à l’ombre d’un figuier rabougri, absorbés dans leur partie de cartes. Ils boivent des litres de thé en racontant d’autres canicules, d’autres sécheresses. On a tendu des draps, des tissus sur les terrasses où on guette en vain un souffle d’air. Dans les cours, les cuisines, on s’épargne la chaleur supplémentaire du fourneau. Après le repas, on cherche l’ombre et la brise pour laisser passer le milieu du jour et son brûlant cortège d’heures.


Dans la maison, les hommes somnolent dans le grand salon, le plus vaste. Les femmes sont en bas, elles devisent sur des sofas, échouées dans leurs coussins et leurs babillages. Certaines sont assises, vautrées à même le sol de carrelage, elles ont repoussé les tapis pour trouver un peu de fraicheur sur la faïence. On ira au hammam demain, on emmènera les filles françaises en visite. On les fera belles, demain, quand elles seront vraiment propres, on leur peindra les pieds et les mains au henné.  On  refait du thé à la menthe, bouillant, sucré, on sirote encore, personne n’a touché aux douceurs posées sur un plateau, il fait trop chaud. On attend. Le soir sera bienvenu.

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