Je te regarde, je ne te touche pas. Je ne te toucherai plus. Mes yeux seuls
caresseront encore ton corps brun, ton visage clair, ta bouche, tes cils interminables,
tes yeux d’or et d’ambre. Je te contemple en paix, bel animal repu. Tu es beau comme
un ange déchu, dans l’abandon de tous tes membres, dans la quiétude du jour, dans
l’armistice du plaisir.
Mes doigts se souviennent de la douceur ferme de chaque muscle, de la fraicheur de ta
peau, de la chaleur de ta poitrine paisible, de la tendre détermination de tes bras autour
de moi. J’ai bu l’extase jusqu’à la lie, il n’est pas de retour en arrière, j’ai pris sur tes lèvres,
contre ta langue les derniers baisers, jusqu’à plus soif. J’ai cueilli ton ultime soupir, celui
où tu te rends, je ne reviendrai pas dans cette chambre débordante de soleil.
Bientôt, je te quitterai des yeux, je reprendrai mes
vêtements, je les revêtirai comme une armure. A la porte, je ne te dirai pas au
revoir. Nous ne nous reverrons pas.
- Je ne t’aime pas.
- Je sais.- C’est elle que j’aime.
- Je sais.
- Et ça ne te fait rien ?
- Non. Si.
- Elle s’appelle Anne.
- C’est un beau prénom.
- Et je l’aime. Je suis amoureux d’elle.
- Je vous souhaite beaucoup de bonheur.
- Comme ça.
Comme ça. Aime-la, rends-la heureuse si tu peux,
fais-lui l’amour jusqu’à la fin du désir, jusqu’à l’épuisement du plaisir,
jusqu’à la fatigue des corps. Epouse-la et donne-lui ton nom, fais-lui des
enfants, de beaux enfants avec tes yeux d’ambre et d’or, avec ses cheveux
blonds. Berce-la, console-la, rassure-la, dispute-la. Vieillis à ses côtés, et
prends-la dans tes bras. Regarde-la avec tout l’amour qui déborde, souris-lui
tous les jours de ta vie, de la sienne…
Sur son ventre tu chercheras le grain de ma peau, sur
sa poitrine tu écouteras les battements de mon cœur. Dans ses yeux, tu quêteras
mon sourire, sous ta main, tu sentiras mes cuisses, mes seins, mes bras. Dans
les matins blêmes, dans la douceur des soirs, tu te rappelleras ce jour
éclatant. Dans sa bouche, tu aspireras mon haleine, sur ses lèvres, tu cueilleras mes soupirs et mes cris étouffés. Dans le rythme de ses reins, tu
te souviendras du chant d’amour que j’ai chanté. Entre ses jambes écartées,
offertes, tu boiras la liqueur de mon plaisir, et tu sentiras le fourreau de
mon ventre où tu t’es glissé.
Va vers elle, reste avec elle, vit avec elle, donne-lui ce que tu n’as pas pour moi.
- Je ne t’aime pas. C’est elle que j’aime.
- Je sais.- Tu m’aimes ?
- Non.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire