jeudi 23 mai 2013

Dans mes bras

Je t’ai pris dans mes bras, et je t’ai promené, toute la journée, à en avoir les muscles endoloris. Au rythme de tes coliques, je t’ai bercé, soutenu, massé, pendant que tu chouinais sur des spasmes, écœurée de ne pouvoir te soulager.

Je t’ai pris dans mes bras parce que ta mère était occupée. Tu t’es contenté de ce vague substitut maternel. Une voix dans les mêmes intonations, une odeur un peu commune, une façon familière de te porter. Et puisque ta mère ne revenait pas, tu t’es coulé dans ma tiédeur, tu t’y es fait un nid et tu as fermé les yeux.

Je t’ai prise dans mes bras parce que je ne savais pas quoi faire. C’était toi mon modèle et mon repoussoir, mais là, c’était trop et tu as craqué. Tu as vacillé, toi si forte et si dure, et tu t’es laissée aller. J’ai ouvert les mains, je t’ai attirée sur ma poitrine et je t’ai câlinée, toi que j’embrasse à peine. Je me suis dit que c’était la place de mon père, mais il n’était pas là, comme souvent, et c’est pour ça que tu t’es tournée vers moi.
Je t’ai prise dans mes bras, et je me suis arrêtée, parce que je me demandais si je ne te faisais pas plus mal encore. Tu as soupiré et je suis restée là, avec ton corps de moineau décharné contre moi. J’ai regardé le tuyau de ta perfusion s’écouler goutte à goutte, te livrant la drogue qui te maintient moins souffrante. J’ai eu froid de te sentir si faible, j’ai eu froid de te savoir sur le départ. J’ai gardé mes larmes jusqu’au seuil de ta chambre, jusqu’au pied de ta tombe.
Je t’ai pris dans mes bras quand ta peine était trop lourde. Je sais que ce dernier saut qu’il a fait, et qui brise une famille, tu y as pensé, et pas qu’une fois. Je sais que tu es triste de lui dire adieu et que tu nous as vus à la place de sa femme, de ses enfants, de sa mère. Tes sanglots étaient pour lui et pour toi, aussi.
Je t’ai prise dans mes bras, petite folle, quand j’ai eu peur pour toi et que tu riais toujours. Tes cheveux blonds me chatouillaient le cou, j’ai louché sur les taches de son de ton nez retroussé. Tu t’es blottie contre mon épaule et je t’ai servi de monture pour traverser la rue.
Je t’ai pris dans mes bras pour te mener au terrain de nos jeux et tu t’es laissé faire. J’ai pris l’éclat de tes yeux et j’ai plongé dans nos caresses. Je t’ai pris dans mes bras quand j’ai senti nos ventres se crisper au même plaisir et j’ai laissé refluer les premiers spasmes d’un orgasme. Je t’ai pris dans mes bras pour te retenir au fil d’une dernière acmé. Je t’ai serré contre moi et j’ai savouré cette tendresse.
Je t’ai pris dans mes bras quand j’étais heureuse et que le soleil caressait la moquette, les draps bouleversés, nos pieds encore mêlés. J’ai souri et j’ai effleuré ta tête soucieuse. Et j’ai plongé mon regard dans l’ambre et l’or de tes yeux, je me suis dit que cela en valait la peine.

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