jeudi 4 octobre 2012

28 Novembre

Ma chère sœur,


Samuel a appelé hier pour donner de ses nouvelles. Il va bien et poursuit avec acharnement sa rééducation et l’écriture de sa thèse. La tête et les jambes vont bien. Il dit qu’il se fatigue moins vite, et que cela lui permet de travailler sérieusement. Il prétend qu’il va finir avant de reprendre le boulot. Je ne sais pas du tout à quel degré d’avancement il était parvenu avant cet accident.

Il semble aussi qu’il ne se souvient de rien. Nous n’avons pas eu l’occasion de parler avec lui des circonstances de l’événement. Je n’ai pas insisté, je ne suis pas sûr qu’il soit prêt. Il va lui falloir beaucoup de courage pour affronter la vérité. Papa et Maman ne lui ont rien dit encore, et nous ne nous pressons pas de le confronter à cette dure réalité. Il va mieux, sa guérison est en bonne voie, mais nous ne voulons pas tenter le diable. Il veut vivre seul et dès lors, il se trouve un peu isolé. Je suis bien certain qu’il en voudra fatalement au messager qui lui portera la plus déchirante des nouvelles, et aucun de nous ne veut endosser ce rôle. Nous craignons tous un peu que cela brise sa belle solidité retrouvée. C’est la dernière des épreuves, et peut-être de toutes, la plus terrible.

Nous reculons l’échéance, et pourtant il faudra bien un jour que l’un d’entre nous se décide. Il va réclamer des explications, il se doute que nous connaissons ce qu’il ignore encore. Si la mémoire lui revenait, ce serait bien confortable. Mais il ne se souvient de rien.

J’aimerais m’entretenir avec les médecins qui l’ont soigné. Il semble que même à l’hôpital, personne n’a laissé échapper aucun indice sur les circonstances de son accident. Il est arrivé tout cassé, dans le coma, ce coma où on l’a maintenu pour lui éviter de souffrir. Alors ils ont fait leur boulot, sans se poser de questions et sans lui dire ce qui l’avait amené là, et qui l’avait mené sur son lit de douleur.

Abruti par les médicaments, épuisé par les traitements, il s’est laissé faire. Pour un futur docteur, il a été un patient facile. Il n’a jamais discuté les traitements et les opérations.
Aujourd’hui je me demande quel bien lui fera la révélation qu’il commence à réclamer. Il veut des nouvelles du fantôme triste qui l’a veillé toutes les nuits. Comment lui dire ? Nous l’avons acceptée comme une évidence, et c’était douloureux pour nous tous. Il ne mesure pas à quel point.


J’espère que vous allez tous bien.


Je vous embrasse,


Guillaume.

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