Je termine et
ma thèse et ma reconquête du monde des vivants, des valides. Les soirées sont
une longue solitude sans toi. Je ne comprends pas, Douce, je ne comprends pas
ta désertion. Toi qui m’as veillé au long de tant de nuits, pourquoi as-tu
disparu au moment où j’allais mieux ?
Ne voulais-tu
pas me reconnaitre, dans ce morceau de chair torturée mais de nouveau
consciente ? Mon état t’a-t-il fait fuir ? Je comprends que tu n’aies
pas voulu affronter la dure remontée de la pente, les soins et la rééducation. Mais
je vais mieux aujourd’hui, et je me sens de nouveau moi-même.
Douce, tu
peux revenir, il est temps maintenant. Je suis assez entier, assez ferme, assez
reconstruit pour que tu reprennes place à mes côtés. J’erre comme une âme
coupée en deux, même en société, même en compagnie, même parmi mes amis. Il me
manque un orage, une révolte, toi, Douce.
Douce, tu
dois revenir. Tu dois me rendre ces longues heures que tu as passées près de
moi. Tu dois me confier ton attente, et le bruit des machines qui m’ont
surveillé, le silence épais du soir, la fébrilité de l’hôpital, le frémissement
qui t’a appris que je revenais à la conscience.
Douce, tu
t’es évanouie sans retour quand mes yeux se sont ouverts, quand mon coma s’est
achevé. J’ai oublié, tout oublié. Tu n’étais plus là, ton sourire triste avait
disparu. J’aurais aimé percevoir ta présence, j’aurais aimé te dire que ta
vigile m’a rappelé à moi, à toi. Je n’ai pas eu l’ivresse de ta constante
veille. Je n’ai pas senti ta main sur la mienne, je n’ai pas entendu ton
souffle paisible, inquiet. Je n’étais pas là quand toi tu te tenais à mon
chevet. Je n’ai pas senti la flamme de ton espoir se raccrocher au rythme de
mon cœur, de ma respiration.
J’ai tout
raté, ces moments si précieux n’existent pas pour moi. Je ne sais même pas
comment est arrivé cet accident. Douce, tu étais là, il faut que tu me
racontes. Mais tu te tais, et ton silence est la plus déchirante des chansons.
Samuel
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