jeudi 4 octobre 2012

6 Décembre

Douce,

Je termine et ma thèse et ma reconquête du monde des vivants, des valides. Les soirées sont une longue solitude sans toi. Je ne comprends pas, Douce, je ne comprends pas ta désertion. Toi qui m’as veillé au long de tant de nuits, pourquoi as-tu disparu au moment où j’allais mieux ?

Ne voulais-tu pas me reconnaitre, dans ce morceau de chair torturée mais de nouveau consciente ? Mon état t’a-t-il fait fuir ? Je comprends que tu n’aies pas voulu affronter la dure remontée de la pente, les soins et la rééducation. Mais je vais mieux aujourd’hui, et je me sens de nouveau moi-même.
Douce, tu peux revenir, il est temps maintenant. Je suis assez entier, assez ferme, assez reconstruit pour que tu reprennes place à mes côtés. J’erre comme une âme coupée en deux, même en société, même en compagnie, même parmi mes amis. Il me manque un orage, une révolte, toi, Douce.
Douce, tu dois revenir. Tu dois me rendre ces longues heures que tu as passées près de moi. Tu dois me confier ton attente, et le bruit des machines qui m’ont surveillé, le silence épais du soir, la fébrilité de l’hôpital, le frémissement qui t’a appris que je revenais à la conscience.

Douce, tu t’es évanouie sans retour quand mes yeux se sont ouverts, quand mon coma s’est achevé. J’ai oublié, tout oublié. Tu n’étais plus là, ton sourire triste avait disparu. J’aurais aimé percevoir ta présence, j’aurais aimé te dire que ta vigile m’a rappelé à moi, à toi. Je n’ai pas eu l’ivresse de ta constante veille. Je n’ai pas senti ta main sur la mienne, je n’ai pas entendu ton souffle paisible, inquiet. Je n’étais pas là quand toi tu te tenais à mon chevet. Je n’ai pas senti la flamme de ton espoir se raccrocher au rythme de mon cœur, de ma respiration.
J’ai tout raté, ces moments si précieux n’existent pas pour moi. Je ne sais même pas comment est arrivé cet accident. Douce, tu étais là, il faut que tu me racontes. Mais tu te tais, et ton silence est la plus déchirante des chansons.

Samuel

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