A mes
« je t’aime » elle a répondu « j’ai envie de toi ». Moi
aussi je la désirais, je la désire encore. Elle a accueilli tous mes gestes de
tendresse, elle n’en a jamais eu. Je n’ai pas su l’atteindre, je n’ai pu
prendre que son corps.
Elle avance,
une main contre sa bouche. Quel sanglot ses doigts retiennent-ils au bord de
ses lèvres ? Son regard mendie un geste de tendresse.
Je la prends
dans mes bras sans y penser, il me semble respirer plus librement. Elle tremble
un peu et soupire dans mon cou. Je cherche ses lèvres, sa langue caresse la mienne. Ses membres se
coulent contre les miens, c’est mon plus beau vêtement, ce corps, celui qui me va comme
un gant.
Nous voilà
sur le lit étroit, enlacés et nus. Je ne me souviens pas lui avoir ôté sa robe.
Elle ondule contre moi. Et je me laisse emporter par ce flot, mes reins
prennent son rythme. Ses yeux se ferment, ses mains me
parcourent. Je lui réponds, je la suis, je n’ose pas être le premier, j’ai trop
peur qu’elle se lève, qu’elle se rhabille et qu’elle parte.
Je la veux,
je la veux, mienne une dernière fois, une fois encore, avant de me rouler en
boule sur ma douleur.
Je veux
planter une dernière fois mon sexe dans son ventre accueillant, je veux aller
et venir dans ce havre de mon désir. Je veux qu’elle se soulève et qu’elle
vienne à ma rencontre. Je veux la voir danser la danse du plaisir sur mes
cuisses, je veux l’entendre gémir et crier, et étouffer ses cris contre mon
épaule. Je veux son sexe rose et ses lèvres ruisselantes. Je veux qu’elle me
chevauche et s’empare de moi. Je veux l’emplir et la compléter… Je veux rester
avec elle, contre elle. Je l’aime, je l’aime de toutes mes forces, je ne l’ai
pas faite mienne.
A-t-elle
encore envie de moi ? Après ce qu'il s’est passé… Mais elle se fond plus
étroitement encore contre moi, fait une place entre nos ventres à mon sexe
érigé. Nous sommes soudés, inséparables, il faudrait une hache pour nous diviser.
Je suis sûr qu’elle en a apporté une. On offre un dernier repas, une dernière
cigarette aux condamnés à mort. Je me repaîtrai donc une dernière fois de ce
corps que j’aime à la folie, et je prendrai une dernière bouffée de son
souffle.
Il y des
jours, nous avons parlé des heures, ri ensemble, je l’ai tenue dans mes bras, à
l’aube, endormie et familière, j’ai rêvé de matins ininterrompus près d’elle.
Je l’ai contemplée glisser dans le sommeil dans un dernier soupir, j’ai senti
sa main devenir lourde sur mon ventre et j’ai imaginé des soirs entiers, des
nuits sans fins à ses côtés. Je l’ai voulue à moi, je la voulais, toute
entière.
Je goûte
timidement la peau douce de ses paupières, la courbe de ses joues. Ses yeux
sont humides, elle ne versera pas une larme. Elle se serre plus fort encore.
Ses jambes s’insinuent autour de moi. Je voudrais lui faire l’amour pendant des
heures, mais on ne prolonge pas une exécution. Les colombes jumelles de ses
seins accueillent mes baisers avec un soupir. Elle se cambre et offre sa
poitrine parfaite à mes coups de langue, à mes dents qui mordillent doucement.
La plaine de son ventre parcourue de mes lèvres, la saveur de ses membres une
dernière fois dans ma bouche, l’odeur fruitée de sa peau, je voudrais en extraire
un flacon, un élixir. Elle gémit, comme on sanglote. Je ne la regarde pas, je
contemple encore une fois son sexe ouvert. J’y ferai monter un dernier orgasme,
ma bouche et ma langue recueilleront une dernière fois l’eau de son désir.
Ses hanches
se lèvent à ma rencontre. Je pose mes lèvres contre les siennes. Son clitoris
accueille ma caresse familière. Elle se soulève encore pour presser son sexe
contre mon visage. Je la parcours longuement, je connais tous les recoins, tous
les points sensibles. Les petites lèvres gorgées de sang, le bouton de son
plaisir, l’entrée de son vagin, je prends, je vole, je m’empare, je me crée un
album de sensations.
Je sais tous
les rythmes de son plaisir, les gémissements, puis les râles, ses mains dans
mes cheveux, ses doigts soudain crispés, les spasmes qui l’achèvent.
Je la serre
dans mes bras, je voudrais la garder là, passer ma vie entière avec ce corps si
fragile contre le mien. L’idée me vient de l’emmener, de l’enlever, et de la retenir dans un lieu secret, mienne à jamais.
Comme une
fleur cueillie sur le chemin, je devine qu’elle saignerait chaque pétale et
agoniserait sans un mot.
Toujours
silencieuse et triste, elle est blottie contre moi. Et déjà son
corps prend une houle irrésistible, et je sens son désir revenir. Elle se
redresse au dessus de moi et s’empare de mon pénis tendu vers elle. Elle le
glisse dans son ventre, se soulève sur mes cuisses. Sa danse implacable embrase
mes reins. Mes mains viennent sur ses hanches pour mieux rouler sous les vagues
de son corps. Je suis la barque et le passager, elle est la tempête et le port
d’attache. Je suis à l’abri dans sa moiteur. Son rythme
s’accélère, son souffle devient court. Un long gémissement vient à ses lèvres,
je lui prête la pulpe de ma main pour étouffer ses cris. Je sens monter mon
orgasme, le sien, je ne sais plus qui précède l’autre, je suis perdu. Est-ce
son corps qui se crispe autour moi ? Mon sexe qui se gonfle encore ?
Son ventre avide, mon phallus planté en elle ? Je ne sais plus où j’ai
commencé, où je finis, je jouis dans les convulsions de son plaisir à elle.
Elle retombe
sur ma poitrine, parvient à garder en elle mon sexe désormais flasque. Je sens
la sueur qui nous colle, la semence et la cyprine, nos fluides nous engluent et
nous soudent.
Son visage
est dur, les cernes s’élargissent sous ses yeux magnifiques. Le moment est-il
venu ? J’appréhende l’instant où sa bouche s’ouvrira sur les mots qui
m’anihilent.
Elle se tait
et elle flotte, languide, sur moi. Sa peau sur la mienne, comme une évidence.
Son poids allège mon souffle, je suis vivant, bientôt mort.
Mon désir
emplit de nouveau son ventre, le sang revient gonfler nos sexes. Je la bascule,
roule sur elle. Ses cuisses agrippent mes hanches, elle m’emmène au plus
profond d’elle. Je pompe et je creuse un trou, ma tombe, dans ce lit étroit.
Chaque va et vient lui arrache un soupir, puis un cri, si vite. Elle expire son
plaisir sur mon épaule. Je n’ai pas fini, je pourrais la posséder tout la vie,
toute la nuit. Je
la prends, encore et encore, et je sens avec désespoir le plaisir monter. Je
veux exploser dans ce corps adoré, et ce sera la fin. Quelques
mouvements après son orgasme, mon ventre se crispe, ma semence jaillit. C’est
fini.
L’eau coule,
la porte se ferme. Elle n’a pas dit les mots, elle n’a jamais dit « je
t’aime », elle n’a pas dit « je te quitte ». Je suis seul.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire