J’intime à Camille de rester avec sa mamie et je vais chez les voisins. Je leur explique, ils viennent m’aider. Nous sortons de nouveau vers le jardin. Je les laisse faire le tour des endroits que j’ai déjà vérifiés, ils te verront peut-être là où je t’ai manquée. Nous faisons de grands cercles, de plus en plus grands. Je n’imagine pas que tu sois allée aussi loin, toute seule, ma toute mignonne, ma perle, pas toute seule, toi qui exiges la compagnie de ta sœur pour franchir la pelouse.
Nous cherchons longtemps, nous nous éloignons de la maison, et je commence à craindre la proximité de la route, une voiture ou un tracteur qui passe, qui ne te verrait pas. Tu ne traverserais pas seule. Tu rebrousserais chemin en voyant le bitume. Tu te rendrais compte que tu es partie trop loin, et que tu ne m’entends plus. Tu verrais que ta sœur n’est plus là, et tu l’appellerais. J’ai la poitrine serrée et le cœur tout petit. Chacun de mes pas pèse une tonne, ce n’est pas possible, tu n’as pas pu t’échapper.
C’est comme dans ce rêve affreux que je fais tout le temps. Tu n’es pas là et quelque chose de terrible est arrivé, je le sens dans chacun de mes os, mon ventre se creuse d’angoisse, ma gorge se serre et j’ai du mal à respirer. Ce cordon invisible que me relie à vous mes filles, vibre d’un danger que je ne connais pas encore, et que tu as rencontré. Où es-tu, lutin miniature, où es-tu ma Prunelle ? Mon regard fouille en vain le paysage, en quête de la tâche bleue de ta robe, cette robe que je ne voulais pas que tu portes, de peur que tu l’abimes en jouant. Je guette, je scrute, je plisse les yeux, je te ne vois pas. Le chien ne court plus entre nous, il a disparu aussi. C’est toi que je veux retrouver, pas cette stupide et fidèle boule de poils.
Est-ce que tu aurais pu suivre quelqu’un, toi si sauvage et si craintive ? Quelqu’un que tu ne connais pas ? Nous ne fréquentons pas grand monde, ici, dans la maison de ma mère, à part les voisins qui te cherchent aussi. Est-ce que quelqu’un t’aurait recueillie, perdue et hors de vue de cette maison et de ce jardin qui sont tout ton univers de vacances ? Il faudrait que je passe demander dans le hameau si on a croisé une petite fille de cinq ans avec une robe bleue. Tu vois, tu es trop petite, beaucoup trop petite pour t’éloigner de moi.
Il s’est passé bien
peu de temps entre le moment où je t’entendais jouer avec ta sœur et celui où
elle est venue me trouver. Vous étiez là, toutes les deux, avec moi dehors. Je
vous ai vues courir l’une derrière l’autre, tu essayais de l’attraper, et puis
elle était devant moi pour me dire qu’elle ne te trouvait plus. Je vous ai à
peine quittées du regard, vous étiez toujours dans mon champ de vision. Et puis
toi, tu n’y étais plus. Pourtant, je vous surveillais, je ne vous ai pas
laissées seules dans le jardin. Le chien allait et venait entre nous, il
galopait avec vous et passait près de moi.
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