Je suis sûre que je vais tomber sur ta robe bleue à chaque
détour, après chaque arbre, chaque buisson. Tu as dû tomber et te faire mal,
toi si douillette, ou tu t’es tordu une cheville et tu ne parviens pas à
rentrer. A chaque enjambée, je me dis que je vais voir ton petit visage
inquiet. Tu dois être derrière cette butte, après ce fossé, je vais te
rejoindre, il me suffit d’avancer, je suis certaine d’aller vers toi, il faut
que je sois dans la bonne direction, là où tu t’es égarée, là où tu m’attends.
Mon regard plein d’espoir fouille le moindre recoin, les zones d’ombres où le
jour s’allonge. Le soleil rasant éclaire encore tout le paysage de ses ors, je
vais te trouver. Je viens vers toi, ma toute belle, ma trop petite.
J’imagine mille aventures, de mauvaises rencontres,
l’inconséquence d’un habitant du hameau qui aura voulu mettre à l’abri cette
fillette perdue, et qui te cache à ma vue. Je crains encore la route, une
voiture qui s’arrête, qui fait monter l’enfant déboussolée. Il faudrait appeler
les gendarmes, avant que la nuit tombe. C’est raisonnable, mais c’est la fin de
l’illusion que tu es encore près de nous, que nous allons te découvrir, apeurée
et transie. S’il se fait tard, les recherches seront plus difficiles, et
peut-être justement, quelqu’un, t’ayant recueillie, a prévenu la maréchaussée.
Je rebrousse chemin, les membres glacés.
On m’appelle. Ma mère crie et fait de grands gestes en
courant dans ma direction. Elle gesticule et se presse. J’espère qu’elle n’a
pas laissé ta sœur. Mais non, elle est là, derrière sa mamie et elle rit. On a
retrouvé Prunelle !
Je cours, je vole, je ne suis plus lasse de chercher, ma
petite fille, mon tendre lutin est retrouvé ! Je me précipite vers la maison,
je ris et je pleure en même temps, je serre de toutes mes forces ses membres
frêles contre moi, je voudrais l’envelopper, me l’attacher, me la relier, pour
que jamais plus elle ne se perde. Je caresse son front éberlué, je contemple
son visage inquiet et son grand sourire fatigué.- Maman, maman, j’ai marché longtemps, je ne savais plus où j’étais, je ne te voyais plus, je ne voyais plus Camille, et j’étais toute seule.
- Mon
bébé, ma toute petite, je suis si contente de te retrouver !
Prunelle se blottit dans mes bras, elle est un peu déroutée
par ma joie et mes larmes. Elle est épuisée, ma mère la pose dans un fauteuil,
dans un grand plaid où elle disparait, le chien se couche à ses pieds. De la
cuisine, je garde un œil sur mes filles, sur mes deux trésors, et je discute
avec les grands. C’est la voisine qui l’a croisée. Prunelle tournait en rond,
pas très loin, mais en la cherchant, nous l’avons ratée. Elle essayait de
regagner la maison, et nous ne l’avons pas vue. Elle ne savait pas qu’il
fallait rester où elle était, elle n’avait pas de point de repère. Elle n’a pas
l’air effrayé par sa mésaventure. Je me tourne sans cesse vers les enfants qui
papotent doucement. Mes filles, mes trésors, mes amours.
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