Admirez ma nuque, elle ploie sous votre regard, lourde de
tous vos effleurements. Envahissez-moi de votre envie de moi, enlevez-moi à ces
couloirs sombres, emmenez-moi à la lumière plombée du jour froid et du mercure
du fleuve. Embrassez-moi à pleine bouche sur le pont alourdi des serments
d’amour cadenassés à l’aplomb de l’onde furieuse, saisissez-moi, embarquez-moi loin
de ces snobs photographes de commentaires et trop pressés d’admirer les œuvres.
A vos pieds de roi, je déposerai toutes mes histoires, tous mes contes, toutes
mes évasions. Sur votre corps de guerrier, je poserai tous mes désirs et
j’offrirai toutes mes noyades. Je serai votre odalisque, mille et une nuits,
cent jours, un crépuscule, une heure sombre, quelques instants de plaisir, une
infinité de moments de grâce.
L’exposition est finie. Je ne suis pas restée regarder
les extraits de films qu’on y présente, je me suis détournée de la librairie,
tentation trop forte. Je reboutonne mon manteau, je noue mon écharpe. Je pousse
la porte, encore enchantée par les Mille et une nuits. Le parvis de l’IMA est
battu par une bise âpre. J’ai le temps de fumer une cigarette, rien ne me
presse. Je sors mon paquet et je fouille le fond de mon sac à la recherche d’un
briquet. Derrière moi, une voix grave demande : « Bonjour,
auriez-vous du feu ? » Oui, bien sûr, voici. Je me retourne. Deux
mains enserrent les miennes pour abriter la fragile flamme du vent. Deux mains
caressantes et légères. « Merci. Cette exposition est vraiment
intéressante. Dommage qu’il y ait tant de monde. Enfin, un dimanche après-midi
aussi froid et triste, c’était un bon choix. Vous avez aimé ? » Un
visage ouvert me sourit de tous ses yeux bruns et doux. Oui, j’ai aimé. Je
crois que j’aimerai aussi la suite.
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