jeudi 9 mai 2013

A pleines mains

Ta main dans la mienne pour te guider et te préserver, ta main comme une garantie et une promesse. Ta main dans la mienne au fond de ma poche, au chaud pour braver le vent froid de ce petit matin. Ta main sur mon bras pour m’arrêter dans la routine des jours, pour t’écouter.

Ta main dans la mienne comme un vieil oiseau aux ailes raides, doigts noueux de veines saillantes, épiderme ancien et lâche, doux comme une peau de chamois. Ta main dans la mienne quand tes yeux ne me rencontrent pas, à mesure que ta présence s’amenuise et que ton absence m’envahit. Ta main plus vivante que tes râles, plus tenace que ton souffle.
Mes mains sur mon corps comme personne ne me touche au fond du miroir de la salle de bain. Mes mains à moi sur mes membres, rude tendresse.

Mes mains sur les outils et dans la terre. Mes doigts boueux et fiers de leurs emplâtres, distingués par la glèbe, accompagnant la montée de sève, mes mains pleines de graines au hasard. Mes mains plongées dans le quotidien ménager, gestionnaires devenues avisées.
Une main à la rencontre de la mienne, hésitante au bord d’un moment où tout va changer, où nous ne serons plus des étrangers. Une main devant ma bouche et devant mon regard, une main ouverte sur des possibles et des jours échangés, une main contre ma joue, pour y quêter un baiser, un souffle, un oui. Une main pour la première fois sur ma peau nue, où se passionnent nos élans, où se repoussent nos petites morts. Une main à l’orée du vertige, au gouffre de mes renoncements, au bord du vide où tu t’élances.

Mes mains autour de ta taille, cramponnées à ton cou, mes mains sur ton épaule pour soutenir ma tête encombrée et cette rosée à la lisière de mon âme alourdie, sur ton front, sur tes tempes pour effleurer tes pensées. Mes mains dans la coupe des tiennes pour recueillir un baiser mouillé, mes mains dans ton dos et sur la pointe des pieds pour me clouer à ta bouche. Ami aimant de mes soirées, attraction de mes idées et de mon rire, rien ne m’appartient, pas même ce que tu m’as donné. Pas moins de tes deux mains pour aimer.
Je suis entre tes mains et je sombre, ta main quitte la mienne et les draps lassés. Je m’intéresse à demain, à nos deux mains, et je n’ai le courage que pour aujourd’hui. Le matin est suave et grisant, l’aurore a touché nos naufrages de ses doigts de rose.

Demain, deux mains s’entrelacent et se tissent, futile sarment d’amour sans lendemain. Au matin, le jour aura chassé les promesses de la nuit, le lit vide est froid comme un tombeau. Demain, deux mains s’accrochent et se tiennent, ne se lâchent plus. Demain dure plus que ce jour si tu tiens ma main, si tu m’entraînes. Deux mains pour planter des souvenirs et des projets au jardin de notre vieillesse lointaine.


Prends-moi dans tes bras, maintenant.

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