Ta main dans
la mienne comme un vieil oiseau aux ailes raides, doigts noueux de veines saillantes,
épiderme ancien et lâche, doux comme une peau de chamois. Ta main dans la mienne
quand tes yeux ne me rencontrent pas, à mesure que ta présence s’amenuise et
que ton absence m’envahit. Ta main plus vivante que tes râles, plus tenace que
ton souffle.
Mes mains sur
mon corps comme personne ne me touche au fond du miroir de la salle de bain.
Mes mains à moi sur mes membres, rude tendresse.
Mes mains sur
les outils et dans la terre. Mes doigts boueux et fiers de leurs emplâtres,
distingués par la glèbe, accompagnant la montée de sève, mes mains pleines de
graines au hasard. Mes mains plongées dans le quotidien ménager, gestionnaires
devenues avisées.
Une main à la
rencontre de la mienne, hésitante au bord d’un moment où tout va changer, où
nous ne serons plus des étrangers. Une main devant ma bouche et devant mon
regard, une main ouverte sur des possibles et des jours échangés, une main
contre ma joue, pour y quêter un baiser, un souffle, un oui. Une main pour la
première fois sur ma peau nue, où se passionnent nos élans, où se repoussent
nos petites morts. Une main à l’orée du vertige, au gouffre de mes
renoncements, au bord du vide où tu t’élances.
Mes mains
autour de ta taille, cramponnées à ton cou, mes mains sur ton épaule pour
soutenir ma tête encombrée et cette rosée à la lisière de mon âme alourdie, sur
ton front, sur tes tempes pour effleurer tes pensées. Mes mains dans la coupe
des tiennes pour recueillir un baiser mouillé, mes mains dans ton dos et sur la
pointe des pieds pour me clouer à ta bouche. Ami aimant de mes soirées,
attraction de mes idées et de mon rire, rien ne m’appartient, pas même ce que
tu m’as donné. Pas moins de tes deux mains pour aimer.
Je suis entre
tes mains et je sombre, ta main quitte la mienne et les draps lassés. Je
m’intéresse à demain, à nos deux mains, et je n’ai le courage que pour
aujourd’hui. Le matin est suave et grisant, l’aurore a touché nos naufrages de ses doigts de rose.
Demain, deux
mains s’entrelacent et se tissent, futile sarment d’amour sans lendemain. Au
matin, le jour aura chassé les promesses de la nuit, le lit vide est froid
comme un tombeau. Demain, deux mains s’accrochent et se tiennent, ne se lâchent
plus. Demain dure plus que ce jour si tu tiens ma main, si tu m’entraînes.
Deux mains pour planter des souvenirs et des projets au jardin de notre
vieillesse lointaine.
Prends-moi
dans tes bras, maintenant.
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