mercredi 6 décembre 2017

L'imprévu

Il fallait que je repasse par les lieux que nous avons hantés, sentir si le fantôme de ta main dans la mienne s’y attardait. Certains endroits sont des blessures, et celle-ci m’a lacérée.

Nous avons dialogué dans le soir, alors que mon corps n’était pas repu de l’amant lamentable que je venais de quitter. Certains hommes, trop sûrs de leur art de faire jouir, ne s’attardent pas assez au plaisir de leur maitresse. Celui-là ne m’a jamais revue, il m’avait ratée. J’étais triste sans doute, de m’être livrée à d’inutiles tentatives d’atteindre le nirvana. Tu m’as parlé, je ne me souviens pas de quoi, mais je me souviens que ta voix m’apaisait. Et au milieu de la nuit, comme ça, tu m’as proposé de me rejoindre. Ton sourire incertain, le doute dans ta voix, nous deux installés dans le salon, à distance. Je m’étais lovée dans le canapé et tu fumais. Et tu me parlais encore. Une heure, deux heures, tu m’as bercée dans tes mots. C’est moi qui me suis approchée. Je voulais faire durer le temps avant le premier baiser, prendre une dernière inspiration avant de plonger. Ma main sur ta joue, ta main dans mon cou. Sur une impulsion, je me suis jetée à l’eau, dans tes bras, à corps perdu.

Il faut une tendre patience pour découvrir une peau. Tu pris le temps de faire connaissance avec la mienne. Et puis tu es revenu. Cette envie m’a surprise. Nous nous étions possédés, et je ne pensais pas que tu prendrais le goût de moi. J’ai retrouvé avec bonheur tes embrassements. Je t’ai accueilli, plus ou moins parée, plus ou moins préparée. Nous nous jetions l’un sur l’autre, dès l’entrée, et nous roulions sur les murs, avides, en transe. Tu me serrais à m’écraser, je te grimpais dessus. Il me semblait que j’allais dissoudre mes vêtements, que tu allais les percer de ton impatience. Mais ni acide ni lame, nous arrachions les étoffes qui nous faisaient obstacle et nous roulions, l’un sur l’autre, l’un dans l’autre. Apaisés, mais pas assouvis, nous nous retrouvions dans d’inlassables caresses.

Tu es revenu, quand d’autres attachements ont chassé les amants que je consommais. Toi seul, et cet autre à qui j’ai tout tu, toi et moi, lui et toi. Je me suis consumée de ne pas aimer assez fort pour regretter la fin de cette jolie passade. Tu t’inquiétais que je n’aime pas. Tu me demandais comment fait-on pour ne pas aimer ? Comment s’empêcher de tomber amoureux ? 

Tu me serrais si fort que j’en tremblais. Et ta bouche magicienne descendait, descendait au long de mon ventre pour m’agiter encore. Là où d’autres vont droit au fait, là où tu savais si bien aborder mon plaisir, tu explorais, arpentais, cheminais au long de mes lèvres. Je protestais contre cette gourmande lenteur. Tu écartais mes arguments d’un coup d’œil amusé et tu reprenais ton périple au long de mes nerfs. Quand je frissonnais d’anticipation, tu me naufrageais de quelques coups de langue.

Tu as parfois exigé ma bouche, parfois réclamé le fourreau de mon ventre. Tu emprisonnais mes mains dans les tiennes, et pour une fois, une fois seulement, je me suis sentie en sécurité, labourée et promise. J’ai contenu mes mots, pas mes caresses. Je ne me lassais pas de tes membres si blancs, abandonnés à mes draps dans les lourdes odeurs de stupre.

Le désir de ta présence fait couler une lave inutile dans mes reins, une impudique humidité me rappelle que j’ai toujours hâte de ton poids sur moi. Et ton absence est trop légère.

Comment fait-on pour ne pas aimer ? On se tait. Et on retient sa tendresse.

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