vendredi 22 décembre 2017

L'inattendu

Je t'avais demandé un endroit insolite pour cette rencontre. Au Panthéon, essoufflés de baisers, nous avons fait de délicieuses découvertes contre la tombe de Voltaire. Le grand homme n'eut pas approuvé ton enthousiasme en découvrant que je portais des bas, noirs. Il faut peu de choses pour émouvoir un homme. Quelques grammes de nylon suspendus à quelques grammes de dentelle suffisent.
Tu t'étais donné des défis pour te surpasser. Le marathon n'en était plus un, et tu disciplinais tes efforts dans des courses folles, des courses d'homme de fer. Cela t'avait donné un corps délié et dur à la fois. Tu avais appris à dépasser la douleur dans ton organisme saturé de fatigue. Baiser avec toi était simple et bon. Tu mettais au corps d'une autre la même scrupuleuse attention que tu t'appliquais à percevoir les signes les plus discrets. Avec l'enthousiasme heureux de ceux qui se font du bien, ensemble, nous roulions des draps à la moquette et du canapé au tapis. Nous avons fait voyager le lit devenu radeau, navire, au long de fleuves d'endorphine. Tu as bu mes naufrages, avalé mes redditions en riant.
Tu avais eu ton enfer, de ceux que je ne peux pas imaginer. Et cette brisure dans ta vie, au-delà de ton corps martyrisé, t'avait donné le goût de vivre et d'en jouir follement. Nos transports bouleversaient mes géographies familières. C'était un peu répétitif, aussi. Il me faut plus que quelques coups de boutoir pour enflammer mon cerveau et maintenir mon désir. Je te l'ai dit, et nous avons continué d'explorer nos ressorts et nos satiétés.
Je fus la première étonnée du jaillissement de cette fontaine. C'est si rare que j'avais tenu le phénomène et l'amant pour uniques, et peut-être fantasmés. Tu n'en tiras pas gloire et tu avais raison. Mes orgasmes ne sont pas plus violents quand ils sont inondés. Cela nous offrit un nouveau champ à explorer.
Tu m'as surprise une seconde fois, par l'acuité de ton propos. Toi, dont je connaissais le moindre relief et le moindre pli, tu ne m'avais pas ouvert ton esprit. Cette conversation à bâtons rompus m'a plus gratifiée qu'un bouquet de fleurs. Et surtout, à ce moment, tu te livrais vraiment. Ce jour-là, tu t'es mis à nu, plus impudique que jamais. Ce jour-là, j'ai éprouvé plus de tendresse que de désir. Puis les mots se sont tus, et nous avons repris notre périple autour de la chambre.

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